Une société sobre
Les Ecolos cyclistes barbus de la fin du 20ème siècle disaient: « Il faut décroître! ».
Les Ecolos ingénieurs du début du 21ème siècle disent: « Selon les données suivantes, ça va décroître! ».
Cette petite caricature amicale pour souligner une confusion extrêmement répandue, qui consiste à prendre les seconds pour les premiers. Or, pour les seconds, la disparition du pétrole et des matières premières (notamment) font que nous n’en sommes plus à choisir la voie de la sobriété (énergétique, de production, de consommation), mais que nous avons déjà commencé à la subir.
Ce site s’adresse à ceux (citoyens ou institutions) que ne rassurent plus deux des réponses les plus courantes à cette problématique, soit: 1/ « L’humanité est championne du progrès, l’innovation nous permettra une fois encore de nous en sortir! », et 2/ »Il y a bien assez de pétrole pour des décennies, pas de ralentissement à prévoir! ».
Il s’adresse aussi à ceux qui commencent à douter sérieusement de la capacité des gouvernements à juguler l’emballement climatique et/ou la disparition des ressources naturelles qui permettent notre mode de vie.
Il s’adresse enfin à ceux qui souhaitent commencer à « faire » plutôt que de « demander ». Mais entendons-nous bien : le « mouvement des colibris » (en gros: « chaque citoyen doit faire sa part, même petite, pour faire baisser la pression sur l’environnement ») ressemble trop à notre goût à une énième mutualisation des pertes. Tant que les entités nationales et supranationales n’arrivent, pas plus que par le passé, à provoquer une baisse significative des émissions de gaz à effets de serre et de la surexploitation des ressources, ce ne sont pas les individus qui le peuvent, ou qui seraient responsables de faire « mieux », chacun dans son coin. C’est trop facile.
Ecologie du système-monde
Le terme Ecologie, étymologiquement, réunit les mots grecs oîkos (« maison, habitat ») et lógos (« discours »). L’Ecologie est donc le discours sur l’habitat (habitat à entendre comme la Nature qui nous héberge, dans laquelle nous habitons tous), ou encore la science de cet habitat – et donc science de la nature.
Certains d’entre nous, dès le début des années 1990, plaidaient pour des choix politiques qui viseraient à éviter une dégradation future de ce oîkos et les évènement extrêmes qui accompagneraient immanquablement cette dégradation.
Las… les occurrences météo des années 2020, entre sécheresses et incendies d’une part, inondations mortelles de l’autre, sans compter la perte de biodiversité (moins 80% des populations d’insectes en 30 ans, en espèces et en volume!!!) sont venues nous rappeler que les choix politiques posés depuis ces temps premiers n’ont en tout cas pas évité les catastrophes annoncées (cf Jean-Pascal Van Yperseele sur les premiers avertissements du GIEC).
Effet des sommets de la terre sur les émissions de CO2
L’Agence Internationale de l’Energie détaille comme suit les émissions de CO² liées à l’énergie brûlée par l’humanité, de 1900 à 2020:
Comme l’indiquent Jean-Marc Jancovici et le Shift Project, il est édifiant de parcourir cette courbe en y pointant les dates de divers sommets de la terre, COP, etc, qui s’étalent de 1992 à 2020, afin de voir si ces ratifications et engagements des Etats ont été suivis d’effets. Voici donc quelques dates-clés :
- Juin 1992. Sommet de la terre à Rio de Janeiro (Brésil). Adoption de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC);
- Décembre 1997, COP3 : Adoption du Protocole de Kyoto;
- 18 décembre 2009 : signature de l’Accord de Copenhague au niveau des Chefs d’État lors de la COP15;
- 20-22 juin 2012. Sommet de la Terre (« Rio+20 »), à Rio de Janeiro, Brésil;
- 12 décembre 2015 : adoption de l’accord de Paris lors de la COP21 au Bourget;
- 8 octobre 2018 : approbation du rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C;
- 23 septembre 2019 : Sommet de l’Action pour le Climat en marge de la 74ème Assemblée générale des Nations Unies;
- Décembre 2019 : COP25 à Madrid.
L’éco-anxiété
L’éco-anxiété est fatalement subjective, localisée. Pour prendre un exemple : les fermiers australiens craignent les incendies de leurs centaines de milliers d’hectares, ce qui reste – pour l’instant – éloigné des réalités locales ou régionales du Nord du bassin méditerranéen. Cependant, ces phénomènes météo tendent rapidement à s’étendre, voire à se généraliser. Et quant à nous, notre éco-anxiété pourrait s’exprimer comme suit: de même que 30 ans de réunions de travail et d’engagements au plus haut niveau n’ont pas diminué les volumes d’émissions de gaz à effets de serre, nous craignons (nous avons peur) que les décennies politiques à venir ne produisent pas davantage de changement. Et de même que les évènements météo extrêmes prédits il y a 30 ans se déroulent à présent sous nos yeux, nous avons peur que les évènements extrêmes prédits aujourd’hui nous frappent à leur tour de plein fouet au cours des 30 prochaines années. Cette peur se mue en anxiété, puis en angoisse.
Agir
Nous souhaitons partager ici, de manière vivante, des pistes d’action, de (co)-constructions citoyennes inventives et porteuses d’avenir. Elles peuvent notamment prendre des formes déjà élaborées et abouties, comme l’exemple tout à fait remarquable de Cloughjordan, cet Eco-Village irlandais, membre du réseau européen des Eco-villages. Elles peuvent au contraire se révéler individuelles et pittoresques (mais pas pour autant inefficaces), comme l’aventure du jardinier autonome Barnabé Chaillot, dont le credo est de « fabriquer en auto-construction des systèmes simples et accessibles pour utiliser de l’énergie renouvelable ». Elles peuvent enfin être hautement prospectives et idéalistes (quoiqu’extrêmement concrètes!!!), comme la coopérative française « La suite du monde« , qui acquiert et contractualise des terres et bâtis » Afin d’y vivre, apprendre, échanger et cultiver de façon solidaire, de préserver des terres de la prédation et de prendre soin du vivant, de veiller à la qualité de nos liens, tout en demeurant rejoignables. »
Empruntons donc, ensemble, ce chemin.